Le Portugal ne parvient pas à faire face aux incendies de forêt et demande l'aide de l'Europe
Le Portugal n'en finit pas de brûler. Pour la troisième année consécutive, des dizaines de milliers d'hectares de forêts, de maquis, de champs sont partis en fumée. Plus de 135 000 depuis le 1er janvier, selon les chiffres officiels. En 2003, l'année terrible, plus de 400 000 hectares, soit 5 % du territoire, avaient été livrés aux flammes. Vingt personnes étaient mortes. Cette année, le nombre de victimes est déjà de 13 morts, dont 10 pompiers. Une centaine de maisons ont brûlé, une vingtaine d'entreprises et près de 500 exploitations agricoles sont touchées.
Le gouvernement a dû faire appel, samedi 20 août, à une aide en matériels des autres pays européens pour faire face à la situation. Malgré un important dispositif aérien, au total 49 hélicoptères et avions bombardiers d'eau, les moyens ne suivent plus. Un Canadair espagnol a été envoyé dans le nord et un autre promis. La France et l'Italie ont annoncé la mise à disposition de trois appareils du même type et l'Allemagne a dépêché, lundi, trois hélicoptères lourds.
Plus de 3 500 pompiers, aidés par des militaires et la population, luttaient ce week-end sur le terrain contre les flammes. Deux mille agents de la Garde nationale républicaine veillaient à la circulation pour couper les routes, faciliter l'accès des pompiers et des ambulances, et évacuer la population. Dimanche, le président portugais Jorge Sampaio a appelé le pays à l'"unité" et à la "solidarité" nationales pour faire face à l'aggravation de la situation dans les derniers jours. Des dix-huit provinces portugaises, seize étaient en état d'alerte samedi, en raison de la forte sécheresse, des hautes températures et du vent qui souffle à plus de 70 km/h.
Sur l'autoroute qui mène de Madrid à Lisbonne, les voitures circulent entre des arbres roussis, des troncs noircis et des feuillages d'une couleur étrange entre sable et cendre. Au loin, des colonnes de fumée montent. C'est autour de Coimbra (près de 200 kilomètres au nord de Lisbonne) que la gravité de la situation devient palpable. Ce samedi, le ciel est envahi de nuages sombres. L'odeur de brûlé plane sur les rues étroites. Pourtant, sur l'esplanade de l'université qui surplombe toute la région, les quelques touristes et les invités d'un mariage n'en ont cure. Une jeune fille fait une photo. Comme si l'indifférence fait partie du paysage.
Un peu plus à l'est, la région de Pampilhosa de la Sierra est l'une des plus touchées. Le feu a coupé samedi la route nationale et sur la petite route de montagne qui sert de déviation, au-dessus de la rivière Mondego, la situation particulière du Portugal, qui a sept fois plus d'incendies que l'Espagne, vingt fois plus que la France, l'Italie ou la Grèce, devient évidente. La forêt y a des allures de jungle, envahie de maquis, de branches mortes, de broussailles, de pommes de pin. Parfois les arbres débordent sur la route, alors que des motards, venus dans la région pour un grand rassemblement, jouent une équipée sauvage, dévalant la route en bordure du ravin, sans garde-fous, sans rien qui puisse contenir un éventuel éboulement.
"PROPRIÉTAIRES ÂGÉS"
Dans la minuscule bourgade de Vila Nova, le patron du café, Antonio, explique que "la forêt portugaise appartient à de petits propriétaires, souvent très âgés qui, même s'ils le voulaient, ne pour raient pas nettoyer, ou à des gens qui ne vivent plus là. En outre, ils refusent que l'on construise des routes sur leur terrain. Et il n'y a pas de volonté politique pour les y obliger" . Alors comme il n'y a pas d'accès possible, si le feu a pris dans la montagne, il ne pourra être combattu que dans la vallée. Autrement dit, on se contente de regarder en attendant qu'il vienne jusqu'à la route.
Devant la gravité de la situation, le président de la République a demandé que la priorité soit "donnée aux personnes puis aux biens et en dernier lieu à la forêt". Mais de toute façon, il n'y a rien d'autre à faire. Comme beaucoup de Portugais, Antonio a beaucoup voyagé : "J'ai vu le pire et le meilleur. Le Portugal, c'est le Honduras. Il n'y a que des docteurs et des chauffeurs. Depuis vingt-cinq ans, on ne s'est occupé que du littoral et on a abandonné l'intérieur du pays. Alors, on ne peut pas s'étonner de la mentalité de gens qui n'ont pas d'éducation et mettent le feu pour le spectacle ou par frustration."
Au nord, entre Vila Real et Chaves, la fumée est si dense qu'il faut parfois circuler avec les phares allumés. Du haut de la montagne jusqu'à la route, la terre est noire, à certains endroits, il ne reste plus un arbre debout, et sous le soleil des taches blanches, les maisons qui ont pu être sauvées. "C'était l'enfer", commente simplement une femme qui promène son chien. "Mais ceux qui ont fait ça, qu'ils y brûlent en enfer." Et là où il n'y a plus rien à brûler, les colonnes de fumée indiquent que d'autres incendies se poursuivent un peu plus loin.
A la télévision, dans la presse, les histoires se répètent, les pompiers, presque tous volontaires, sont épuisés, les habitants des villages luttent comme ils peuvent, les enfants et les vieillards sont évacués pour éviter les problèmes respiratoires. Une petite fille pleure son chien mort. Un agriculteur ramasse un corps calciné de chèvre. Une école a brûlé, mais il n'y avait plus un seul élève. La plupart des gens sinistrés sont âgés. Les plus jeunes étaient venus pour les vacances, de Lisbonne ou de l'étranger.
Martine Silber
Appels à une "mutualisation" des moyens
Le ministre des affaires intérieures portugais, Antonio Costa, a souhaité, lundi 22 août, une "mutualisation" des forces européennes de lutte contre le feu, notamment dans les pays du pourtour méditerranéen. Il s'est en particulier prononcé, sur Europe 1, pour la construction d'un bombardier d'eau "européen, construit par l'Europe pour l'Europe" . "Il faut partager les moyens" , a-t-il dit en soulignant que cela réduisait aussi les coûts "trop chers pour chaque pays" de tels moyens. La veille, le ministre de l'intérieur français, Nicolas Sarkozy, interrogé depuis Arcachon où il est prend des vacances, avait évoqué une "mutualisation des forces avec les sécurités civiles européennes" . Il avait estimé que, "quand il y a une série de catastrophes, il faut que tous les pays limitrophes puissent s'additionner" . Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, ancien premier ministre portugais, s'est lui-même rendu sur les lieux des incendies. (AFP.)
Le Monde
Enviado por: Zé da Galinha